Au temps des pruneaux

Auteur(s) :

Epoque(s) :

Edition : Lugdunum

Dépot légal : 1er trimestre 1946

Imprimeur : Imprimeries Mont-Louis, Clermont-Ferrand

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252 pages de format 12 sur 18,5 cm
Prix: 115 Fr.
Illustration 1er plat réalisé par Boris J. Lacroix.

Cet ouvrage de Marcel E. Grancher, qui avait embauché le jeune Frédéric Dard dans son journal « Le mois à Lyon », permet de se faire une idée de ce qu’il pensait de Frédéric qu’il considérait comme son secrétaire, ce qui finit par fâcher Frédéric après quelques années. Rappelons néanmoins que c’est en partie grâce à Grancher que Frédéric Dard obtint le premier prix de sa carrière littéraire, le prix Lugdunum pour Monsieur Joos en 1941.
On reconnaîtra à la lecture de cet ouvrage des passages qui inspirèrent Dard pour l’écriture d’un des tout premiers San-Antonio, « Les souris ont la peau tendre » : il s’agit des missions que mène Grancher en Belgique dans la région d’Ostende. Il est également certain que c’est dans la fréquentation de Grancher que Dard a affermi ses analyses politiques qui l’orientèrent vers un sentiment plutôt germanophobe dont on trouve les traces justement dans les premiers San-Antonio.

L’ouvrage est illustré de quelques photographies de personnalités qui entourèrent et influencèrent le jeune Frédéric Dard.
Dans les 4 photographies ci-dessous, on peut citer: Lucien Farnoux-Raynaud, Joseph Jolinon, André Warnod, le Docteur Locard, François Monnet qu’on retrouve ici et là dans ce site,

Au temps des pruneaux photo 1Au temps des pruneaux photos 2

sans oublier la fine équipe Lugdunum en goguette à Grenoble (de gauche à droite, Frédéric Dard, Max-André Dazergues, Marcel E. Grancher, Henry Clos-Jouve)

Au temps des pruneaux photos 3

Je joins aussi 2 extraits de ce livre qui mettent en scène Frédéric Dard.
1er extrait, pages 134-135
Quant à Lucien Farnoux-Reynaud, le brillant chroniqueur du Gaulois et du Crapouillot, il demeurait fort digne en toutes circonstances et conservait son monocle vissé sous l’orbite, même quand l’immense boulanger Serratrice le soulevait, tête en bas et pieds en l’air, en le secouant comme un sac de farine. Cher Lucien, charmant et spirituel camarade, d’humeur toujours égale, que de joie n’apporta-t-il pas, lui aussi, à notre petite bande ! Une nuit qu’il traversait le pont de la Guillotière en compagnie de mon secrétaire, Frédéric Dard – lequel venait d’obtenir le Prix Lugdunum pour son remarquable roman : Monsieur Joos et continuait à fêter ce succès – un coup de vent emporta le chapeau de Farnoux. Dans le noir, ce qui est l’occasion ou jamais de le dire, les deux compères se précipitèrent à la poursuite du facétieux couvre-chef.
– Je l’ai ! s’écria bientôt Frédéric Dard.
– Comment ? s’étonna Lucien, à l’autre bout du pont. Je l’ai aussi…
Il fallut bien se rendre à l’évidence : ils avaient récupéré deux chapeaux : celui de Farnoux été celui d’un passant inconnu. Les deux amis s’en retournèrent à la « Maison de la Presse », afin d’arroser ça… Or, quand Dard avait bu, il était obsédé par une idée fixe : engueuler le long Kléber Haedens, qui pontifiait, à ces heures-là, dans le salon de bridge. Il n’eut garde d’y manquer, discuta, but encore et, finalement, rentra chez lui en assez bel état, non sans avoir causé quelque esclandre.

2ème extrait, pages 199-201
Le lendemain, ce fut le barman de « Comoedia ». Il me rencontra place des Célestins :
– Vous devriez ficher le camp…
– Pourquoi ?
– Parce que vous êtes sur la liste de la Gestapo…
– Encore !…
Vous ne voulez pas me croire ?… Je le tiens d’un client de chez nous qui est bien placé pour le savoir. La preuve, c’est que nous, à « Comoedia », nous sommes sur la même liste.
L’avenir devait lui donner raison : la police allemande allait opérer à « Comoedia » le même jour qu’elle se présenta chez moi. Bref, j’en étais arrivé à un état psychique tel que je ne fus pas surpris le moins du monde quand, à quelques jours de là, déjeunant au restaurant des Sports à Quincieux, avec quelques amis, je vis déboucher sur le pont suspendu, pédalant comme André Leducq soi-même, mon secrétaire Frédéric Dard :
– Que peut-il te vouloir ?… demandèrent mes convives.
J’avais tout de suite réalisé :
– Les boches ont dû venir me chercher…
C’était bien ça… J’en eus la conviction intime avant que Fred n’eut ouvert la bouche.
– Ils sont venus pour m’arrêter ?…
L’auteur de L’équipe de l’Ombre soufflait tellement qu’il ne pouvait plus parler. Et puis, l’émotion…
– Oui… Deux… De grands malabars, larges comme des armoires. C’est pour Fascicule bleu…
– Ah !…
La chose n’était pas faite pour me surprendre, le livre en question, que je m’obstinais à maintenir en vente, n’était pas tendre pour les Allemands, on le verra par la suite. Au reste, quelque temps auparavant, le libraire Fays, de la rue Victor Hugo, m’avait prévenu de ce qu’un capitaine boche de la Gestapo s’était présenté chez lui pour acheter l’ouvrage.
– Ils sont porteurs d’un long télégramme, venant de Paris, précisa Fred… Ils m’ont demandé des tas de détails sur l’imprimeur, le chiffre du tirage, la date d’édition. Je leur ai dit que vous étiez en voyage jusqu’à samedi… Il faudra que vous vous présentiez dès votre arrivée avenue Berthelot…
La Gestapo occupait depuis peu le local de l’Ecole de Santé Militaire, dont les sous-sols devaient par la suite devenir tristement célèbres.
– Ils peuvent toujours y compter !…
– Alors, je vais prendre le maquis, moi aussi. Parce qu’ils étaient mauvais… Ils voulaient m’emmener…
– Non ?…
Mon secrétaire me conta l’histoire par le menu. Cela s’annonçait assez mal. Il fallait aviser et, tout d’abord, cesser de coucher chez moi. Un trévoltien s’offrit à me loger pendant la première nuit, et mon ami Roger D… qui connaissait un type se vantant d’avoir avenue Berthelot ses grandes et petites entrées, proposa de se renseigner entre-temps afin de me faire savoir si c’était grave ou non.
A quatorze heures, le lendemain, Roger m’appelait :
– C’est très mauvais… Ils veulent vous arrêter toi, ta femme et ton fils… Barbier a dit qu’il tenait à te mettre lui-même la main au collet… Fichez le camp…
Le temps de bourrer une valise et de prendre nos vélos : le soir nous couchions chez le bon Joannès Veuillet, ancien conseiller municipal socialiste de Neuville :
– Ca tombe bien, me dit-il. Dans huit jours nous devons partir pour les gorges de la Sioule, l’ami Barraud et moi. Vous allez venir avec nous…

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