Fleur de nave vinaigrette

Genre(s) :

Epoque(s) :

Edition : Fleuve Noir

Dépot légal : 1er trimestre 1962

Imprimeur : Imprimerie Foucault

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Fleuve noir Spécial Police n°293Fleur de nave vinaigrette back
Prix : NF 2,40
Dessinateur 1er plat : Michel Gourdon

Avez-vous déjà vu un personnage obèse, cradingue, vinasseux et violacé, en pantoufles, maillot de corps gris (mais qui fut blanc jadis), portant un pantalon de coutil rapiécé, affublé d’un véritable sombrero mexicain se prélasser dans les fauteuils du Boeing Paris-Tokyo ? Assurément non ! Pour se délecter d’une pareille situation, il faut avoir lu « Fleur de nave vinaigrette ». Au passage : savez-vous comment se traduit « Fleur de nave » en japonais ? « Bey-Rhû-Ryé » ! Rigoureusement authentique ! Si vous ne me croyez pas, consultez votre judoka habituel.

San-Antonio au pays du Soleil Levant

« Fleur de nave vinaigrette » (qui se traduirait par Beyh-Ruh-Rieh en japonais, selon le roman, ah ah ah) est un des plus grands crus de la saga des San-Antonio. Dans cette aventure, le commissaire et Bérurier se rendent au Japon afin d’enquêter sur le meurtre d’une jeune Japonaise, tuée par balles dans la rue de Bérurier. Parallèlement à ça, Pinaud et Hector (cousin de San-A), qui avaient monté une agence de détectives privés, disparaissent mystérieusement. Ils enquêtaient sur une affaire d’adultère, l’homme sur lequel ils enquêtaient trompaient sa femme avec une Japonaise…qui s’avère être la morte. Drôles de coïncidences pour le commissaire !
Et une enquête mêlant complot, secrets bien enfouis, et meurtres, au pays du soleil levant et des Shoguns…
Un roman hilarant (Béru embarquant en sombrero et pantoufles dans l’avion…), dans lequel le suspense et l’action ne sont pas négligés pour autant. Un chef d’oeuvre dans la série !
Critique par Bookivore, le 6 octobre 2009

Fleur de Nave Vinaigrette, écrit en 1962, appartient aux romans où l’invention verbale reste encore maîtrisée. Elle claque à coups de néologismes, d’expressions argotiques, de tiraillement de la syntaxe et de mauvais jeux de mots, mais permet encore à l’intrigue de respirer. Elle n’est pourtant pas bien complexe et a parfois des allures de jeu de l’oie. Mais cela suffit à suivre plaisamment les pérégrinations bien tordues de San-Antonio et de Bérurier  au Japon.

Quelle vision Frédéric Dard offre-t-il au lecteur de ce pays Ô combien cher à mon cœur et à mon esprit ? Autant vous le dire franco :

C’EST LE NÉANT ABSOLU !

Et vous savez quoi ?

ON S’EN TAMPONNE !

Admirateurs de Nicolas Bouvier réfractaires aux plus vils calembours, passez votre chemin ! Car voici ce qui vous attend :

San-Antonio est inquiet : son cousin Hector (dit Totor), aux dernières nouvelles associé avec Pinaud  pour monter une agence de détectives privés  (la Pinaudière Agency Limited, yeah !), a mystérieusement disparu de la circulation. Ajoutons à cela que le cadavre d’une jeune Japonaise a été retrouvé à deux pas de l’immeuble où crèche Bérurier .

Dans l’avion qui les mène au Japon pour poursuivre l’enquête, avion piloté par le Commandant Lahoyapadmoto, un passager japonais se fait harakiri :

Il se nomme FouzyHoutusé et il habite : Accent circonflexe-chapeau pointu-carré barré-ombrelle-hameçon et deux accents circonflexes superposés, à Kawasaki.

Quant à l’hôtesse de l’air qui s’occupe des deux flics, elle est « Japonaise à ne plus en pouvoir. Elle a le visage rond et jaune, un sourir énigmatique et des yeux en coups de canif. »

– Au fait, quel est votre nom ?

– Yo !

– Ravissant, et ça signifie ?

– Hirondelle qui passe dans un lointain tout nimbé de soleil.

– Je comprends que vous vous soyez faite hôtesse de l’air avec un blaze commak.

Y’a pas, on nage en plein exotisme. Normal lorsque l’on sait aussi bien que Bérurier où se situe géographiquement le Japon :

– Allô ! Ninette ? C’est Benoît-Alexandre ! Bonjour… Comment ? De Tokyo ! (plus fort il reprend : ) De Tokyo (et il épelle : ) T.O.Q.U.I.O. Mais non c’est pas dans l’Ardèche ! C’est au Japon. Oui : le Japon. Vous voyez Madagascar ? Eh bien, c’est à gauche.

Et la poursuite de l’enquête à Tokyo est tout aussi désinvolte. On fonce dans l’intrigue poignée dans le coin et à coups de Nepakokuquiveuh, grand journal du soir de Tokyo, de statue d’Hokilépabo, de Professeur Yamamotokétolabo et autre monsieur Padecarburohamamoto.

Quant au passage obligé des acrobaties intimes, il sera évidemment l’occasion de faire intervenir les geisha qui comme chacun sait ne sont évidemment pas des artistes raffinées mais des prostitués de luxe :

Elle s’appelle monkusulakomodo, ce qui en français veut dire Lulu. Elle est en première année. Elle doit passer son morbac en Juin et, si elle est reçue, elle entre en siphilo l’année prochaine. Elle compte se spécialiser plus tard dans les langues fourrées orientales et elle pioche dur son Kamasoûtra afin de décocher son premier prix (en l’occurrence, une nuit d’amour avec un eunuque).

Histoire de vous achever, dois-je évoquer la famille Boku-Hokury ? Non, ça ira ? Comme vous voulez.

Cela peut paraître étrange d’évoquer sur ce blog un roman où le narrateur met en place un Japon de carton pâte fait de stéréotype et de mauvais calembours. Et habituellement, Dieu sait si les blagues « nipponnes ni mauvaises » visant ce pays me font frémir. Mais on aurait tort de s’en offusquer. C’est du Dard dans le texte, c’est-à-dire une grosse louche d’almanach Vermot, une cuillerée de Cheyney, une autre de Rabelais et une pincée de Céline passées au mixeur de son imagination. Et perso, je pardonne tout à un pareil cocktail, ou plutôt à une telle tarte à la crème, pour reprendre les mots de San-A dans le préambule :

Sachant que la plupart de mes contemporains sont d’un tempérament bilieux, je prends soin, chaque fois que je publie un nouveau chef-d’œuvre, d’informer le lecteur que mes personnages sont imaginaires, fictifs et tout. Cette fois, la précaution me paraît superflue : qui donc, quel crâne plat, quel cerveau ramolli, irait supposer que les héros de ce livre sont réels ?

De même ses aspects historiques et géographiques n’échappent pas à la fantaisie de ma remarquable imagination. Toute ressemblance avec des personnes (fût-ce des empereurs) existantes ou ayant existé ne serait pas une coïncidence mais un miracle.

« Fleur de Nave vinaigrette » n’est qu’une immense tarte à la crème que je vous balance à la frite pour rigoler.

J’espère que vous trouverez la crème assez fraîche et que vous comprenez la plaisanterie.

Votre Vieux :

S.-A.

À vous de voir si vous serez friands de cette crème mais c’est une expérience qui vaut largement la peine d’être essayée. Quant à ceux qui sont déjà familiers avec le commissaire, je ne précise pas que vous pouvez foncer…

Extrait de Fleur de nave vinaigrette (San-Antonio) Bulles de Japon

Igor B. Maslowski a rédigé une petite critique positive de ce roman dans Mystère Magazine n°172 de mai 1962.

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