Les salauds vont en enfer

Edition : Carterie artistique et cinématographique

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Date de sortie à Paris : 22 février 1956 après une première à Marseille le 7 décembre 1955 (Voir Ciné-Revue n°50)
Réalisateur : Robert Hossein assisté de Georges Lampin, d’après la pièce de théâtre éponyme de Frédéric Dard
Acteurs : Marina Vlady, Henri Vidal, Serge Reggiani, Roger Dalban, Robert Hossein, Charles Blavette, Roger Hanin, Marthe Mercadier, Lucien Raimbourg, Jacques Duby, Jean Clarieux, Guy Kerner, Jacques Bézard, Bachir Touré
Scénario et dialogues : René Wheeler et Robert Hossein
Production : Champs-Elysées Production

Dans un pénitencier, l’exécution d’un prisonnier victime d’une dénonciation amène ses amis détenus à rechercher ceux qui l’ont trahi. Les soupçons se portent rapidement sur Rudel et Macquart, qui attendent depuis longtemps une occasion de s’évader. Un service funèbre célébré dans la prison leur fournit enfin cette occasion. Après avoir tué deux gardiens, les deux hommes prennent la fuite à bord d’une camionnette. Sur leur route, ils agressent un pompiste et Rudel se fait mordre à la jambe par un féroce berger allemand.
Les deux évadés s’aventurent dans les marais de Camargue et découvrent enfin une cabane isolée qui semble inhabitée. Elle est en fait le refuge d’un peintre et de son modèle, la jeune et troublante Éva. L’arme au poing, Macquart menace le peintre et n’hésite pas à l’abattre lorsque celui-ci tente de se défendre. Éva essaie de s’échapper, en vain. Dès lors, adoptant un mutisme farouche, elle s’emploiera à dresser les deux hommes l’un contre l’autre. Ceux-ci essaient de réparer la jeep du peintre qui leur permettrait de quitter cet endroit. Volontiers brutal et cynique, Macquart contraste avec Rudel, plus sensible et scrupuleux que son compagnon, auquel il doit pourtant la vie. Éva feint la résignation et profite de leur sommeil pour descendre seule sur la plage. Elle arrache un panneau signalant des sables mouvants et l’enterre plus loin, tendant ainsi un piège mortel aux deux malfaiteurs.
Quand Rudel et Macquart parviennent enfin à réparer leur jeep, leur enthousiasme leur fait négliger de surveiller Éva. Celle-ci la précipite alors à la mer, empêchant ainsi toute fuite des truands. Macquart, furieux, se jette sur Éva. Soucieux de la défendre, Rudel tire sur Macquart et le blesse, à la grande joie d’Éva. Aussitôt, Rudel regrette son geste et va seconder son ami. Éva récupère l’arme dont elle n’aura pas à se servir : sans le savoir, les deux hommes se dirigent vers les sables mouvants…
C’est le premier film de Robert Hossein comme réalisateur et ce fut un succès public. Pour se lancer dans ce nouveau métier, il choisit le film noir et de le faire en famille si on peut dire. Comme véhicule, il choisira une pièce de théâtre de son ami Frédéric Dard qui connut un grand succès.
Mais le film, même s’il conserve l’idée d’une amitié trouble entre deux ennemis, est assez différent de la pièce de théâtre. Robert Hossein abandonne l’idée d’expliquer la rencontre entre les deux protagonistes, alors que dans la pièce initiale il s’agissait d’une vague histoire d’espionnage, se passant de surcroit en Amérique, l’un des deux hommes agissant en service commandé pour faire parler un espion. L’autre différence tient au rôle de la femme qui dans l’histoire initiale était elle-même une espionne. Du coup le scénario devient plus simple.
Beaucoup d’autres points démarquent le film de l’histoire initiale où, en effet, l’héroïne habite dans une maison riche, elle est elle-même une personne appartenant à la haute bourgeoisie et son mari est très riche. Ici elle est l’amante d’un artiste perdu au milieu de la nature sauvage de la Camargue.
Dans le traitement du film, Hossein donne une plus grande importance à la prison, avec parfois des accents qui rappellent Jean Genêt dont il avait interprété Haute surveillance en 1949, par exemple la scène où le frêle Jacques Duby est forcé de faire un strip-tease. Il y a également quelque chose de sadique dans la confrontation entre Henri Vidal et Robert Hossein, lorsque celui-ci l’oblige à s’agenouiller dans une position inconfortable sur des cailloux au milieu des autres détenus.
Le film était audacieux pour l’époque et une partie de son succès vient évidemment de Marina Vlady en sauvageonne. Au milieu de la nature sauvage de la Camargue, elle semble venir, telle Aphrodite, de la mer. Bien qu’elle n’apparaisse qu’après le milieu du film, c’est son nom qui a permis le montage financier. La mise en scène de Robert Hossein, supervisée par le trop méconnu Georges Lampin, recèle de nombreuses trouvailles, notamment les éclairages sombres sur la plage. Les scènes de prison semblent aussi être inspirées par les films noirs comme Brute Force de Dassin pour leur violence. Mais il y a aussi cette manière de filmer des paysages désolés ou cette maison pauvre et isolée qu’on retrouvera plus tard dans d’autres films d’Hossein. Une partie de son succès provient des décors, la prison, mais surtout la cabane, car c’est dans la cabane que va se déployer le drame. Hossein reprendra ce thème de la cabane dans La nuit des espions, toujours avec Marina Vlady, et encore plus tardivement dans Point de chute. Cette cabane justement a été construite avec soin par Serge Pimenoff.
Ce film n’est pas le meilleur de Robert Hossein, mais il est une étape décisive de l’amitié et de la longue collaboration de Robert Hossein et Frédéric Dard qui surent donner corps au film noir français, trop longtemps dominé par les productions américaines.
On remarquera au passage que la musique est signée du père de Robert Hossein, qui signe ici André Gosselain, et qui fut toujours associé à la réussite cinématographique de son fils, mais qui fut aussi souvent mieux inspiré, créant des mélodies envoutantes, renforçant l’aspect dramatique.

© Blog Alexandre Clément

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